Ça fait maintenant 15 jours que mon grand-père est parti pour un monde meilleur. Je n'avais pas encore pris le temps d'écrire un petit mot en sa mémoire, mais j'y tiens parce que c'est important pour moi de prendre une pause, rassembler mes souvenirs et les écrire avant que le temps ne les efface.

Dans mes souvenirs d'enfance, il me semble que mon grand-père maternel a toujours été l'adulte qui avait le mieux réussit à conserver son cœur d'enfant et il réussissait à nous faire croire au merveilleux. Il nous racontait toutes sortes d'histoires inventées, se transformait en grand chef indien pour nous dire de se tenir tranquille plutôt que de venir nous chicaner comme l’auraient fait tous les autres adultes. C'est lui aussi qui, à l'aide de son échelle, montait au ciel chaque soir pour aller couper la lune sauf lors de la pleine lune ou bien lorsqu’il n’y en pas du tout. Je me demande d’ailleurs à qui il a confié cette tâche maintenant…

Il a réussi à garder ce côté pince-sans-rire, taquin et joueur de tour jusqu’à la fin. La preuve en est cette scène qui c'est déroulée moins d'une semaine avant qu'il nous quitte et qui m’a été racontée par ma cousine. Grand-papa avait déjà, depuis un certain temps des moments d’absence, des trous de mémoire et ne savait plus toujours à quelle époque de sa vie il était et ne semblait pas toujours reconnaître les gens qui venaient le voir. Ma grand-mère avait donc pris l'habitude de lui de demander, à chaque fois que quelqu'un lui rendait visite à l'hôpital, s'il le reconnaissait. Bien souvent il disait non, mais pas toujours. Je crois qu'il a commencé à être tanné de ce petit jeu et a décidé de répondre "non, je vous connais pas" même si en fait il reconnaissait bien la personne. C'est ce qui est arrivé lors de la visite d’un de mes cousins. Ce dernier un peu triste, est sorti de la pièce et ma grand-mère est sortie dans le corridor avec lui. Ma cousine qui avait assisté à la scène est demeurée seule dans la chambre avec mon grand-père et a commencé à discuter avec lui :

- Moi, me reconnaissez-vous?

- Hum... ta figure me dit quelque chose mais non, je me rappelle pas de toi... Vous est-ce que vous me reconnaissez?"

- Ben oui! Voyons, grand-papa!

- Ben tu vois, ça ne s'oublie pas comme ça du monde!

Encore une fois, il venait de nous faire marcher un peu. Il avait d’ailleurs l’habitude de raconter l’histoire de ce gars, un vrai menteur, qui essayait de faire croire aux gens qu’un accident d’auto avait eu lieu dans le haut du village, les gens s’y rendaient donc pour aller voir. Après avoir convaincu cinq personnes de s’y rendre, il s’est dit « tout le monde va voir là-bas, peut-être que c’est vrai qu’il y a eu un accident! » et il s’est rendu sur les lieux du supposé accident. Ça c’est être tellement bon menteur que tu finis par te croire toi-même… On a toujours pensé qu'en fait le menteur de l’histoire, c’était lui. Jamais des mensonges méchants, juste des petits mensonges inoffensifs pour le plaisir de voir les gens embarquer dans son monde.

En tous cas, le souvenir que je vais conserver de mon grand-père, c’est celui d’un homme aimant qui cherchait susciter la curiosité des jeunes et des moins jeunes et qui réussissait à nous faire connaître un monde bien plus intéressant que celui des autres adultes.

Tu vas me manquer grand-papa, et tu vas surtout manquer à la petite fille que je suis encore parfois... Tu sais, la "braillepet"... Mais repose-toi bien, tu l'as mérité.